Qu’est-il arrivé à Glossier ?

@intothegloss

Loin de moi l’idée de descendre Glossier dans ce post. Vous le savez, c’est une marque que j’adore et dont je vous parle souvent. Elle propose d’excellents produits (et d’autres nettement moins bons, mais c’est un peu le propre de chaque marque) et mérite amplement son succès. Cependant, plusieurs événements sont venus ternir sa réputation au fil des années et dernièrement le licenciement massif qu’elle a réalisé a été le coup de massue final pour les adeptes de la marque. Alors que s’est-il passé ? Quelles ont été les erreurs commises par Glossier ? Et pourquoi la marque a-t-elle licencié ⅓ de son personnel en janvier dernier ? J’en ai déjà parlé avec plusieurs d’entre vous sur Instagram, mais dans ce post, je vais essayer de vous résumer la situation et vous expliquer pourquoi la presse parle de la chute  de Glossier. 

Les débuts de Glossier

Si vous ne connaissez pas l’histoire de la marque, ce qui va suivre est pour vous. En 2010, Emily Weiss ouvre son blog Into The Gloss dans lequel elle recense à la perfection les routines beautés des célébrités qu’elle interview. Formidable à ses débuts, j’ai arrêté de le lire lorsqu’elle a cessé d’en être la rédactrice principale et qu’elle a délégué à des tiers. Cependant, même s’il est devenu très différent avec le temps, il existe encore et vous pouvez toujours le consulter. 4 ans après la création de son blog, en 2014, Emily Weiss lance Glossier, une marque orientée skincare (oui, le makeup n’est pas arrivé tout de suite !) qui propose une routine basique de 4 produits. Cet aspect minimaliste la différencie de toutes les autres marques que nous connaissions à l’époque. Leur slogan « Skin First, Makeup Second » est novateur, Glossier est arrivé sur le marché de la beauté et des cosmétiques à un moment où mettre en avant sa peau n’est pas encore tendance et où les makeups chargés sont encore de mise, mais aussi et surtout en passe de devenir obsolètes. Glossier a pour mission de mettre en valeur la beauté naturelle et non de transformer les visages. Il y a un créneau à prendre et Glossier s’engouffre dans la brèche. Elle prend le contrepied de tous ces makeup chargés, plus réalisés pour cacher que pour embellir. Inutile de vous dire que Glossier a mis un sacré coup de pied dans la fourmilière cosmétique du début des années 2010. En créant Glossier, l’objectif d’Emily Weiss était de démocratiser l’industrie de la beauté avec une marque plus axée sur le consommateur. Fin 2017, ils ont même fait une campagne hyper inclusive pour la sortie de leur gamme corps Body Hero. Je me souviens qu’il y avait des affiches partout dans LA, voir ces corps de toutes les couleurs, de toutes les tailles était incroyable. Cette façon de communiquer, de voir la beauté et ce modèle axé prioritairement sur le consommateur ont mené la marque au succès, à l’époque, on parle même de marque culte. Tout va parfaitement bien pour Glossier jusqu’à ce que…

Les accusations

En mai 2018, Glossier est poursuivie en justice pour ne pas avoir respecté l’ADA (Americans with Disabilities Act) une loi de 1990 dont le but est de protéger la population américaine contre les discriminations basées sur le handicap. En effet, leur e-shop ne possède alors pas de lecteur d’écran pour les clients malvoyants (pour une marque qui se revendique inclusive, c’est inacceptable). On a peu entendu parler de cette affaire pour la simple raison que de nombreuses marques ont été attaquées pour des faits similaires, noyées dans cette masse, les accusations contre Glossier sont passées inaperçues. Les personnes qui ont attaqué Glossier ont reçu seulement $500 de dédommagement.

Toujours en 2018, un nouveau scandale éclate. À la sortie de leur Lash Slick Mascara, l’e-shop Glossier indique que le produit est vegan alors qu’il contient de la cire d’abeille. Les clients ayant acheté le mascara sans le savoir ont eu le droit à un remboursement, mais l’incident a indigné les consommateurs vegans.

Puis 2020 est arrivé avec la pandémie, le meurtre de George Floyd ajoute de l’insoutenable à une actualité déjà pesante. Les marques, dont Glossier, publient leur petit carré noir sur Instagram en pensant que cela suffit. C’est à ce moment que Outta The Gloss est créé par d’anciens employés Glossier. Un compte Instagram qui met en lumière des accusations de ces employés, victimes de racisme, de différents types de harcèlement, et finalement de culture du travail toxique (essentiellement au flagship de NYC). Ils se disent non soutenus par la direction. Un ancien employé témoigne, les préoccupations des personnes de couleur n’ont jamais été prises au sérieux, lorsque certains ont fait état de leur inquiétude face au racisme auquel ils disaient être confrontés, la direction leur a répondu qu’ils étaient libres de partir. Suite à ça, Emily Weiss présente des excuses publiques aux personnes concernées et à Outta The Gloss. Excuses non acceptées sous prétexte qu’elle avait déjà fait des promesses vides et qu’ils n’y croyaient pas. Outta The Gloss a alors appelé au boycott des produits Glossier et a amassé 11500 abonnés. 

En décembre 2020, Glossier envoit un e-mail à tous ses clients Glossier Play pour leur annoncer que la gamme serait interrompue le 4 janvier 2021. Si vous ne vous souvenez plus, Glossier Play etait une gamme de makeup plus colorée, plus pigmentée, moins sage que ce que proposait habituellement la marque. Cette collection a tout simplement été un flop. D’abord parce qu’elle contenait un gel pailleté dont les paillettes n’étaient pas biodégradables, mais aussi parce que chaque produit était livré dans un nombre incalculable d’emballages en plastique et/ou aluminium, tellement que c’en était indécent. On remarque une conscience environnementale accrue, voire au premier plan des préoccupations des marques cosmétiques ces deux dernières années, c’est pourquoi la plupart des clients Glossier n’ont pas adhéré à cette nouvelle gamme et ont été en colère contre le mépris flagrant de la marque pour la durabilité. Suite à de nombreuses plaintes de consommateurs, Glossier a réduit les emballages de sa gamme Play mais cela n’a pas suffi. En effet, ce lancement a étonné la communauté Glossier, pourquoi du makeup colorful alors que la philosophie de la marque était depuis ses débuts de prôner le naturel ? On achetait Glossier parce que le message était : des produits qui ne vous rendent pas belle mais accentuent plutôt votre beauté naturelle, par extension du makeup plus discret en termes de couleurs. Parce que si on y regarde de plus près, les consommateurs Glossier avaient déjà leurs marques qu’ils connaissaient bien pour ce type de makeup plus coloré. Finalement Play allait à contre-courant non seulement de l’évolution de la marque vers la durabilité, mais aussi de celle de l’industrie de la beauté dans son ensemble. Pour ma part, je trouve que Glossier Play avait tout à fait sa place dans les rayonnages de la marque, il aurait seulement fallu faire un effort sur les aspects environnementaux. Pour tout vous dire, je pensais que la marque améliorerait Glossier Play pour la relancer plus tard, mais ça n’a pas été le cas.

Les lancements de 2021 ont tous fait un flop. Glossier est alors accusée de ne plus proposer de produits innovants comme ça a pu être le cas par le passé. Pourtant j’en ai acheté plusieurs et n’ai pas déçue. Le Beauty Bag est hyper pratique, le Cleanser Concentrate est excellent, c’est mon nettoyant du soir depuis sa sortie, le Cookie Butter Balm Dotcom est une vraie merveille et The Bath Duo (un coffret contenant des boules pour le bain et une bougie) a été l’un de mes plus beaux cadeaux de Noël. Par ailleurs, Glossier a sorti son Universal Pro-Retinol (son premier anti-âge), que je n’ai pas encore testé, mais dont la composition m’a complètement convaincue et côté merch un hoodie sauge et une couverture très jolis. Cependant, il est vrai qu’il y a eu quelques loupés, je pense à l’Ultralip, à une époque où tout le monde portait le masque en permanence ça n’était pas très judicieux de leur part, le Solar Paint (un bronzer crème) qui se travaille difficilement et qui pour moi n’est pas une réussite et enfin les palettes Monochromes dont les couleurs n’ont aucun intérêt et dont la pigmentation est absolument nulle. 

Alors que Glossier était très niche pendant ses 4 premières années de vie, aujourd’hui plusieurs marques aux valeurs similaires sont arrivées sur le marché et (soyons clairs) lui volent la vedette. Je pense Rare Beauty par exemple, Bref, la compétition est intense. D’autres marques possèdent non seulement des formules plus performantes, mais aussi des ingrédients plus intéressants. Globalement, pour moi Glossier tient encore la route face à la ribambelle de nouvelles marques, et les lancements Glossier 2021 ont été globalement satisfaisants. Leurs produits sont basiques, les compositions ne sont pas toutes waouh, mais plusieurs de leurs produits sont des indispensables qui n’ont pas encore été égalés (je pense particulièrement à leur mascara). Malheureusement mon avis n’est pas partagé par une partie de la clientèle de la marque. 

Enfin, le dernier scandale Glossier (et pas des moindres !) a été, sous prétexte d’avoir trop embauché, ce licenciement de 80 personnes, soit un tiers de leur personnel, principalement dans la tech, le 26 janvier dernier. On comprend que cela ait été mal compris et mal venu d’autant que la marque a levé 80 millions de $ en juillet 2021. 

Alors est-ce pour ces motifs qu’on peut parler de la chute de Glossier ? De nombreuses autres raisons pourraient nous faire penser que oui, la marque est sur le déclin. D’abord la plupart de leurs produits makeup sont si peu pigmentés que personne n’a envie de dépenser des dizaines, voire des centaines de $ dans du maquillage qui se remarque à peine. Ensuite, peu de teintes sont proposées pour les produits teint. 12 pour leur fond de teint contre 40 à 50 chez certaines marques en vogue du moment. Même si le Perfecting Skin Tint est plus une crème teintée qu’un fond de teint véritablement couvrant (c’est pourquoi il y aurait si peu de teintes), une partie des consommateurs se sent lésée. Autre accusation : leurs produits ne sont pas adaptés à tout le monde, avec l’arrivée de la pandémie, le port du masque a engendré de multiples problèmes de peau (sécheresse, acné) auxquels Glossier n’a pas apporté de solution concrète. Et enfin, la marque est uniquement vendue sur son e-shop et dans seulement 3 boutiques physiques : Seattle, Los Angeles et Londres, vous ne la trouverez nulle part ailleurs. Dans un monde où tout va très vite, où on veut tout, tout de suite, cela ferme la porte à de nombreuses transactions.

D’après mes recherches, ces événements, même s’il me paraissait important de vous en parler, n’ont pas mené Glossier à sa chute, ils ont tout au plus porté préjudice à son image, mais les choses sont bien plus complexes…

Alors que se passe-t-il réellement chez Glossier et que va devenir la marque ?

Est-ce que Glossier va disparaître ? Je ne pense pas. Ce licenciement correspond juste à un changement de stratégie. En effet, dans la mesure où ces licenciements ont touché principalement la tech, on peut imaginer que la marque va mettre en retrait son e-shop et privilégier ses boutiques physiques. Glossier qui est née marque digitale et qui a toujours mis en avant cette particularité retournerait donc sa veste. L’ouverture de 3 boutiques en l’espace de 3 mois irait dans ce sens (il y a eu Seattle en septembre, LA en novembre, Londres en décembre, Miami arrive à la fin du mois et NYC va suivre). Le site internet de Glossier indique spécifiquement que cette extension n’est pas terminée. Peut être même que la marque va être vendue sur d’autres e-shops comme ceux de Sephora ou Ulta, c’est pourquoi Glossier aurait besoin de moins de maintenance donc moins de personnel dans le domaine de la tech. Rien de tout ça n’est exclu. 

Autre possibilité d’avenir pour la marque, Emily Weiss aurait décidé de vendre Glossier à un grand conglomérat ou à un plus gros groupe, on peut même envisager que l’entreprise entre en bourse. Souvent lorsqu’il y a de gros licenciements comme celui-ci, c’est que la marque va être vendue (autant se séparer du superflu avant de vendre). En y réfléchissant bien, c’est la suite une plus logique, Emily Weiss a annoncé sa grossesse le mois dernier et son terme en juin, cela lui laisserait le temps de se défaire de son entreprise avant l’arrivée de son bébé, afin de s’occuper entièrement de sa famille au moment venu. Aujourd’hui, Glossier vaut 1,8 milliards de $, une somme qui la mettrait largement à l’abri, le temps de relancer une nouvelle entreprise.


Aucune de ces raisons n’indiquent que c’est la fin de la marque rassurez-vous. Glossier a fait des erreurs, Emily Weiss s’est excusée, je pense qu’il y a eu un réel effort de fait du côté du bien-être et du respect de ses employés. D’ailleurs le compte Instagram Outta The Gloss n’a pas publié depuis le 19/12/2020 et chaque fois que je me rends dans la boutique de LA, le personnel a l’air heureux (ça fait même plaisir à voir). Quant à une supposée vente ou entrée en bourse, j’ose espérer que la rumeur est fausse mais j’ai peu d’espoir. J’achète Glossier et suis devenue adepte de la marque parce que c’était celle d’Emily Weiss, si elle quitte le navire, elle emmène avec elle son ADN et tout perdra de son intérêt. Et si c’est le cas, j’ai hâte de voir ce qu’elle nous réserve ensuite.

2 thoughts on “Qu’est-il arrivé à Glossier ?

  1. Bonjour,
    Savez-vous à tout hasard pourquoi la marque a décidé d’arrêter la vente de sa solution exfoliante – que j’adore – en France ?? On ne l’a trouve plus sur l’eshop et je suis profondément désespérée 🙁

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